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L’East Side Gallery à Berlin : quand le Mur de Berlin se dénonce

Par

Basile Connan-Boulle

      Pour n'importe quel visiteur de Berlin qui se respecte, l'East Side Gallery est un passage obligé. Située sur Mühlenstraße, dans le quartier de Friedrichshain, au Sud-Est d’Alexander Platz, cette grande galerie à ciel ouvert (1 316 m, la plus longue du monde selon le site Internet *) montre la beauté d’un monde libre.

    Revenons un moment sur l’histoire de la capitale allemande au lendemain de la Seconde guerre mondiale. À partir du 21 avril 1945, les troupes soviétiques et polonaises s’emparent de Berlin assiégée depuis le début du mois ; les combats de la « bataille de Berlin » prennent fin le 2 mai. Après que les armées américaine, britannique et française ont rejoint la ville, les Alliés désormais au complet se la partagent en quatre secteurs. Berlin devient ensuite le symbole de l’impossibilité pour les quatre grandes puissances de s’accorder sur la réorganisation de l’Europe et de l’Allemagne. La ville se fait le reflet de la tension naissante entre l’URSS et les Etats-Unis : la guerre froide. L’opposition entre la partie orientale et les parties occidentales est concrétisée en 1949. En réponse à la fondation de la République fédérale d’Allemagne (RFA) par les trois occidentaux, l’URSS crée la République démocratique allemande (RDA). Le 13 août 1961 débute la construction du Mur de Berlin, les autorités de RDA voulant mettre un terme à la fuite massive d’Est-Berlinois à l’Ouest. Il divise Berlin jusqu’en 1989.

    Le 9 novembre 1989, au terme de gigantesques manifestations populaires à l’Est afin d’obtenir plus de libertés, c’est donc la chute du Mur. Si de grandes parties de ce symbole de l’oppression est-allemande sont détruites dans les jours qui suivent, un long pan est conservé dans le quartier de Friedrichshain : aujourd’hui, l’East Side Gallery.

    En 1990, des centaines d’artistes du monde entier — 21 pays — prennent possession de la face Est de ce kilomètre de rectangle de béton vertical qui s’étend sur les rives de la Spree, du pont d’Oberbaum à la gare Ostbanhof. Plus d’une centaine de fresques sont ainsi créées, témoignages de l'inhumanité vaincue, dont certains sont devenus très célèbres. L’East Side Gallery ouvre officiellement comme galerie d’art à ciel ouvert le 28 septembre 1990.


La chute du Mur représentée sur l'East Side Gallery ("Cela arriva en Novembre", de Kani Avali) (© Rémy Ogez)

    Sans en avoir conscience, vous connaissez certainement une de ces fresques : le « baiser fraternel ». Le 5 octobre 1979, parmi les photographes invités au 30ème anniversaire de la RDA, un Français capture par hasard le baiser de salutation à la russe entre Erich Honecker, alors dirigeant de la RDA, et Leonid Brejnev, figure du parti communiste soviétique. La photo fait le tour du monde et se retrouve en couverture de « Paris-Match » en France. Le journal arrive jusqu’à Dimitri Vrubel, un artiste russe alors inconnu, qui reste frappé par la scène et se jure de la reproduire un jour sur un mur. Il en a enfin la possibilité lorsque le mur tombe, et peint les deux hommes sur 15 mètres carrés. L’artiste sous-titre son œuvre « Mein Gott, hilf mir, diese tödliche Liebe zu überleben » (« Mon Dieu, aide-moi à survivre à cet amour mortel ») : la dérision serait-elle le meilleur moyen de célébrer la joie de retrouver la liberté ? La fresque est aujourd’hui l’attraction-phare de l’East Side Gallery et prendre la pose devant celle-ci, un incontournable.

    Bien sûr, des artistes français y ont aussi participé. Citons par exemple Thierry Noir, qui avait commencé à peindre le mur, illégalement, en 1984, et répondait en 2013 aux questions du site Street Art London (www.streetartlondon.co.uk/blog/2013/02/interview-thierry-noir/, interview en anglais). Pour lui, dessiner sur le mur avant la chute « était comme un message, pour montrer que je suis plus fort que le mur ; je peux le peindre. (…) Peindre le mur était interdit, donc dans un sens c’était un acte révolutionnaire. ». (…) « [Le projet East Side Gallery] est complètement différent car il a été réalisé en 1990 après la chute du mur et ce n’était plus dangereux de peindre. Ce n’était plus une frontière, donc on ne peut pas comparer. C’est maintenant davantage un hommage adressé aux plus jeunes générations, pour dire regardez le mur, le mur n’était pas un projet artistique, ne répétez pas les erreurs de vos parents. ».

 

 

 


Thierry Noir à l'œuvre... et le résultat

    Entre art, engagement et commémoration de l’Histoire, les fresques de l’East Side Gallery sont devenues un symbole de liberté du monde contemporain. Et, à ce titre, elles ont été classées monument historique en 1991. Preuve que le support et les œuvres intriguent, il y a foule ! Mais malgré cela, on vous recommande vivement la visite, gratuite et idéale pour les beaux jours !

*pour plus d’informations, visiter www.eastsidegallery-berlin.de (la traduction en français étant malheureusement peu aboutie, on vous conseille la version anglaise, ou encore mieux l’originale en allemand)

Date de dernière mise à jour : 12/05/2018