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Le streaming tue-t-il les salles de cinéma ?

    Récemment est sorti le film Annihilation, d'Alex Garland, connu pour Ex Machina. Cédé à Netflix par le studio Paramount, il a dû dire au revoir aux salles obscures auxquelles il était initialement destiné car jugé trop risqué financièrement par son principal financeur, Skydance (satellite de Paramount), à cause de mauvaises projections tests en l'automne 2017 ; le blockbuster, censé divertir, ayant été jugé intellectuel et compliqué. Il a donc rejoint les petits écrans avec des coûts de diffusion beaucoup moins élevés. Cela traduit deux choses : d’une part, les sorties en salles sont de plus en plus sélectives et écartent les films qui ne correspondent pas forcément aux standards que l'on propose au public ; d’autre part, les plateformes de streaming sont des alternatives à des sorties en salles qui séduisent de plus en plus de sociétés de production et de diffusion.

Par

Corentin Viault

    Pour créer son film, il faut être produit, c'est-à-dire trouver de l'argent, un financement. Une fois le film terminé, il faut également trouver une société de distribution qui va tout faire pour le diffuser au maximum et le rendre rentable. Il y a donc déjà une sorte de sélection des projets, ces sociétés ne voulant pas forcément prendre des risques, choisissant les films dont les fils conducteurs ont déjà fait leurs preuves (une comédie familiale par exemple). De plus, le réalisateur doit se plier à certaines exigences décidées par la société de distribution : par exemple, Skydance avait exigé qu'Alex Garland reprenne le montage d’Annihilation afin qu'il soit plus facile à comprendre, chose qu'il n'a pas faite. Cela signifie donc que des films jugés "originaux" peuvent rencontrer certains problèmes à être diffusés, n'étant pas sûr d’un point de vue financier. Ils ont donc une diffusion réduite (seulement dans quelques salles) ou même ne sortent pas du tout. Cela peut nous priver de certains films qui ne sont certes pas forcément des chefs-d'œuvre mais font partie du paysage cinématographique. Et les sociétés de distribution comme de production deviennent plus frileuses, n'acceptant que des films à gros budgets familiaux qui seront rentables. Les plateformes de streaming deviennent donc de plus en plus des alternatives à ces sorties en salles sans cesse plus difficiles. Mais est-ce que le streaming tue le cinéma ?

 

   Netflix, Hulu, prime video… On a désormais un large choix de sites de streaming, proposant un catalogue toujours plus riche en matière de contenu vidéo. Des productions originales comme des films à petit budget n'ayant pas eu leurs places dans les salles obscures s'y retrouvent. Alternative peu coûteuse, son effet pervers est qu'elle incite de moins en moins les sociétés de distribution à s'engager dans des films risqués. Des films tournés pour des écrans de cinéma doivent se rabattre sur des plateformes de streaming et sont regardés sur des smartphones ou des tablettes, comme c'est le cas pour Annihilation. Ces films peuvent donc être visionnés mais pas dans les conditions dans lesquelles ils auraient dû l'être. Cependant, cela permet dans le même temps à de petits projets d'être diffusés, et même d'être créés. Par exemple, Netflix développe la production de films et séries du monde entier : en tout, elle a investi dans plus de 100 projets dont 16 en Europe pour 2018. On a ainsi pu voir par exemple la série française Marseille sur la plateforme.

 

   Mais cette émergence des plateformes de streaming pose également de nouvelles problématiques, comme la chronologie des médias. En effet, en France, la chronologie des médias définit l'ordre et les délais dans lesquels les exploitations des œuvres cinématographiques peuvent intervenir. En France, par exemple, un film peut être vendu ou loué 4 mois après sa sortie en salles, mais pas avant. Et c'est cette chronologie des médias qui pose problème : si Netflix voulait projeter une de ses productions dans les cinémas français, il devrait d'abord être diffusé dans les salles obscures puis être rendu accessible 3 ans après sur Netflix, ce qui n'est pas à l'avantage de la plateforme. C'est pourquoi en 2017 une polémique éclata au festival de Cannes autour du film Netflix Okja : diffusé durant le festival, de nombreux exploitants appelèrent au boycott car Netflix avait rendu disponible en même temps le film sur sa plateforme et dans les salles de Cannes mais ne prévoyait pas de le projeter après, ce qui allait à l'encontre de la chronologie des médias. Une question se posait alors : un film qui n'est pas diffusé en salle a-t-il sa place à Cannes ? Est-ce une oeuvre cinématographique comme une autre ? L'organisation du festival a tranché : dès 2018 "tout film qui souhaitera concourir en compétition à Cannes devra préalablement s’engager à être distribué dans les salles françaises".

 

   Le streaming s'impose donc de plus en plus dans le monde cinématographique et offre de nombreux avantages mais il n'est pas moins sujet à des controverses et à une législation peu avantageuse en France s'il veut étendre ses propres créations et productions, qui deviennent de plus en plus importantes, dans les salles de cinéma. Mais cette législation n'est souvent plus adaptée au monde et aux supports du cinéma qui évoluent sans cesse...

 

Date de dernière mise à jour : 27/05/2018

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